Chartres, terminus

Publié le par Sylvain

Les derniers visages des dernières aventures
Tandis que le train glisse sur les rails vers Chartres, je réalise la multitude des rencontres fortuites et éphémères faites ces derniers jours. De mon conducteur suédois très sérieux à ce compagnon de wagon-couchette, un Sénégalais d’Allemagne jouant de son encombrant instrument traditionnel pendant la nuit, en passant par ce jeune plombier norvégien en transit à Oslo dans la même auberge de jeunesse que moi, ou encore cette mère de famille allemande dans le train Copenhague – Hambourg, visiblement à la fois intriguée et interloquée par mon apparence de voyageur exténué et surtout compatissante, autant que pédagogue dans son soutien à mes efforts pour discerner la signification des titres en allemand de son journal. Sans oublier cette jeune voyageuse de nationalité indéterminée croisée dans le train pendant le passage du détroit de l’Øresund, ou cette bande de jeunes Français rencontrés à l’auberge de Copenhague, et avec lesquels j’eus le réconfort de boire une bonne bière rafraîchissante autant qu’apaisante après une longue journée de périple. Des rencontres muettes, aussi, parfois. Comme celle sur le ferry reliant le Danemark à l’Allemagne où je pus observer avec délectation et amusement difficilement caché les scènes de ménage très franches d’un couple de Français vieillissants et bedonnants, et surtout persuadés qu’en dehors de France personne ne saisira la rudesse et le machisme des propos que monsieur assène à Madame. Ultime vis-à-vis avant de subir pour de bon la solitude et l’égarement le plus total de l’exténuation, celui de ces deux femmes à peine âgées qui dédaigneront me céder leur strapontin dans la rame de métro bondée à Paris, et ce malgré mon allure sans doute apitoyante à me tordre sous le poids de mes sacs au fil des changements de direction de la rame et le soulagement manifeste qu’un tel geste m’aurait procuré de toute évidence. Néanmoins, il semblerait bien que le voyageur solitaire, souvent exténué et handicapé par ces lourds bagages, et malgré l’aléa de l’horaire de sa dernière douche savourée, attire à lui la curiosité et la bienveillance des personnes croisées sur sa route. A tous ceux qui redoutent de voyager seuls je recommanderais aujourd’hui cette expérience, gage de rencontres aussi spontanées que parfois surprises !

FIN, à bout de forces
Ces dizaines d’heures de train parfois presque consécutives ne m’ont pas laissé indemne. C’est dans un état physique affaibli que je parcours les derniers kilomètres qui séparent Paris de Chartres. Si je ne suis certes pas dans la peau de l’aventurier extrême revenant du bout du monde (tout juste du bout de l’Europe…) après moult risques et périls (tout juste moult périples…), il semblerait que mon impressionnant chargement, ma solitude et mes traits tirés me donnent au moins la condition et le profil du baroudeur « sur la route ». Comme en atteste en tout cas la moue étonnée des personnes à qui il m’arrive d’indiquer que je voyage ainsi depuis le nord de la Finlande. Somnolant et souffrant de nombreuses douleurs musculaires et dorsales, le Paris-Chartres est ce jour là plutôt un calvaire pour mon corps de baroudeur en fin de route, à l’instar de chacune des secousses affligées par ce train vieux et inconfortable que la SNCF a judicieusement affrété ce jour précis.

A la descente sur le quai, ultime mouvement d’un retour du bout de l’Europe, conclusion d’une année atypique…. C’est la fatigue et le soulagement que je ressens d’abord. L’émotion, la mélancolie et la nostalgie viendront bien vite.

La page se referme, la vie reprend, comme avant. Tout ce qui s’est passé, pendant ces neuf mois, c’est désormais des souvenirs...

Publié dans Au fil de l'aventure

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